La pharmacie


L’industrie pharmaceutique est un autre secteur particulièrement intensif en production immatérielle. À l’image des technologies de l’information et de la communication, la conception de la première unité du bien, la molécule, est le facteur déterminant de la chaîne de valeur (qu’il faudrait décliner jusqu’au médecin qui prescrit le bien). Le « business model » de la pharmacie tend à scinder de façon de plus en plus nette les différentes étapes du processus. Les innovations sont laissées à des « start-up » innovantes, les grands laboratoires prenant en charge le développement et la commercialisation de la molécule. La recherche comprend la phase d’identification des cibles, de criblage, d’optimisation des prototypes et les examens pré-cliniques. Le développement comporte toutes les phases en aval, jusqu’au dépôt du dossier. Aux États-Unis le pourcentage de produits allant jusqu’au marché atteint 21,5 % du total. Il faut 72,1 mois en moyenne pour accomplir la phase clinique. Il faut ensuite 18,2 mois pour obtenir l’agrément de la Food and Drug Administration (FDA), ce qui porte à 90,3 mois la durée totale du développement clinique. Au total le coût moyen par médicament arrivant sur le marché vaut 820 millions de dollars, dont 335 millions pour la phase pré-clinique et 467 millions pour la phase clinique. Le coût d’une molécule nouvelle a été multiplié par sept en vingt ans. On peut y voir à l’œuvre la logique des « coûts endogènes» : la rivalité entre les groupes se traduit par des coûts de plus en plus élevés de recherche et développement qui agit comme un régulateur endogène de la concurrence. Lorsque le brevet tombe, le prix des produits baisse de 30 à 50 % en France, de 50 à 70 % aux États-Unis et en Allemagne. Le décalage correspond au fait que la Sécurité sociale française peut négocier les prix des médicaments en « free rider » des dépenses déjà amorties par les firmes américaines sur leur marché intérieur. La pharmacie est un marché qui a représenté 600 milliards de dollars en 2005, qui a quasiment triplé en quinze ans. La moitié du marché mondial se situe en Amérique du Nord. L’Europe représente 30 % du marché, le Japon 11 % et le reste de la planète 11 %. Les États-Unis ont vu leurs parts de marché s’accroîtrent très significativement au cours des quinze dernières années, passant de 32 à 45 % et faisant reculer tous leurs concurrents, notamment le Japon, qui est passé de 22 à 11 %. Les parts de marché françaises sont passées de 6,4 à 5,4 % au cours de la période. La France est le premier producteur européen, avec un chiffre d’affaires de 33 milliards d’euros, contre 22,6 milliards pour le Royaume-Uni et 21 milliards pour l’Allemagne. Les entreprises françaises captent 29 % du marché intérieur. Les entreprises européennes non françaises captent 37 % et les États-Unis 31 %. On tient donc ici une répartition à trois tiers, moins déséquilibrée que pour les industries culturelles. Les exportations françaises sont elles-mêmes à hauteur de 61 % à destination de l’Europe, 17 % des États-Unis, 10 % l’Afrique. Le premier client français est la Belgique, suivi de l’Allemagne. La France est nettement excédentaire, réalisant un taux de couverture de 160 %. Si l’on inclut l’ensemble des entreprises européennes dans le décompte, on trouve un partage des parts de marché qui obéit à la règle : deux tiers du marché est domestique (européen) et un tiers étranger, pour l’essentiel américain.


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